Que voyez-vous sur cette photo ? Un panneau, des immeubles végétalisés ? Une petite ville plongée dans la plénitude d’un été radieux ? Où sommes-nous ? Dans quel pays, dans quelle histoire ?
Ikeshima 池島 (littéralement, l'île à l'étang)
Des immeubles pour 8 000 personnes, plus qu’une centaine d’âmes qui vive, à la retraite.
Ikeshima, c’est l’histoire d’une petite île au large de Nagasaki, sud du Japon. A priori, il s’agissait d’une île comme une autre, comme les 6 851 autres que compte l’archipel japonaise. Sauf qu’on y a découvert d’importantes ressources en charbon. Une usine s’est installée au milieu du XXème siècle, jusqu’à l’arrivée d’autres énergies qui ont fait baisser la rentabilité de la mine, l’amenant à fermer en 2001.
Après être partis du centre de Nagasaki tôt le matin, pris deux bus et un bateau, nous sommes arrivés sur cette île presque abandonnée, dégoulinants de sueur –canicule oblige- avec l’intention d’aller visiter ce qu’il reste légalement à visiter de la mine (pas de prise de risques, l’ECS m’attend à mon retour) et de faire le tour d’Ikeshima à pieds. La visite se déroule sans encombre, très réglée, à la japonaise, avec la pause photo, à la japonaise. Mais le plus impressionnant était à venir.
C’est une sensation étrange d’être dans une ville fantôme, qui a vécu et vit encore un petit peu, juste un tout petit peu. Nous apercevons l’école qui accueillait 1 000 élèves autrefois, gigantesque, abandonnée. A l’intérieur, on déchiffre des mots d’anglais encore écrits sur un tableau. En face du bâtiment, des jeux pour enfants, et des chats errants à qui il manque parfois des bouts. La piscine en plein-air est toujours là, la végétation a percé le carrelage. Partout, elle reprend sa place. Sur le chemin, nous passons devant La Poste. Elle ouvre aux mêmes horaires que toutes les autres au Japon : 9h-17h du lundi au vendredi. Même pour une centaine d'habitant.e.s. Le camion des pompiers est là, aussi. C’est ce qui est impressionnant avec le Japon. Partout, et même sur les îles volcaniques encore en activité, il y a des hommes et des femmes. N'ont-ils pas peur du danger ? Elles et eux qui pourtant vivent dans une société où l'incertitude est évitée à tout prix. Partout et même dans les endroits les moins peuplés, il y a un minimum de service. A l’île d’Aogashima, où j’ai été il y a deux ans, l’école comptait plus d'enseignant.e.s que d’élèves. Malgré le faible nombre d’habitant.e.s, l’enseignement y était délivré jusqu’à un certain niveau. Au-delà, il faut devenir pensionnaire sur une île voisine, plus équipée.
Pourquoi, au fait, garder tous ces bâtiments abandonnés sans jamais les détruire ? Le Youtubeur Ici Japon, qui vit dans le pays depuis de longues années, l’explique dans l’une de ses vidéos.
Sur cette photo, ce que j’ai voulu immortaliser c’est ce panneau qui indique l’emplacement de l’arrêt de bus et ce banc, devant ces habitations probablement vétustes et partiellement habitées. Symbole de ce si beau paradoxe du passage dans l’absence.